Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/174

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caractérisés par quelque anomalie morphologique maintenue par la seule force de l’usage (cf. difficulté vis-à-vis de facilité, etc., mourrai en face de dormirai, etc.).

Mais ce n’est pas tout ; il faut attribuer à la langue, non à la parole, tous les types de syntagmes construits sur des formes régulières. En effet, comme il n’y a rien d’abstrait dans la langue, ces types n’existent que si elle en a enregistré des spécimens suffisamment nombreux. Quand un mot comme indécorable surgit dans la parole (voir p. 228 sv.), il suppose un type déterminé, et celui-ci à son tour n’est possible que par le souvenir d’un nombre suffisant de mots semblables appartenant à la langue (impardonnable, intolérable, infatigable, etc.). Il en est exactement de même des phrases et des groupes de mots établis sur des patrons réguliers ; des combinaisons comme la terre tourne, que vous dit-il ? etc., répondent à des types généraux, qui ont à leur tour leur support dans la langue sous forme de souvenirs concrets.

Mais il faut reconnaître que dans le domaine du syntagme il n’y a pas de limite tranchée entre le fait de langue, marque de l’usage collectif, et le fait de parole, qui dépend de la liberté individuelle. Dans une foule de cas, il est difficile de classer une combinaison d’unités, parce que l’un et l’autre facteurs ont concouru à la produire, et dans des proportions qu’il est impossible de déterminer.

§ 3.

Les rapports associatifs.

Les groupes formés par association mentale ne se bornent pas à rapprocher les termes qui présentent quelque chose de commun ; l’esprit saisit aussi la nature des rapports qui les relient dans chaque cas et crée par là autant de séries associatives qu’il y a de rapports divers. Ainsi dans enseignement, enseigner, enseignons, etc., il y a un élément commun à tous les termes, le radical ; mais le