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Chapitre VIII

Role des entités abstraites en grammaire

Il y a un sujet important qui n’a pas encore été touché et qui montre justement la nécessité d’examiner toute question grammaticale sous les deux points de vue distingués plus haut. Il s’agit des entités abstraites en grammaire. Envisageons-les d’abord sous l’aspect associatif.

Associer deux formes, ce n’est pas seulement sentir qu’elles offrent quelque chose de commun, c’est aussi distinguer la nature des rapports qui régissent les associations. Ainsi les sujets ont conscience que la relation qui unit enseigner à enseignement ou juger à jugement n’est pas la même que celle qu’ils constatent entre enseignement et jugement (voir p. 173 sv.). C’est par là que le système des associations se rattache à celui de la grammaire. On peut dire que la somme des classements conscients et méthodiques faits par le grammairien qui étudie un état de langue sans faire intervenir l’histoire doit coïncider avec la somme des associations, conscientes ou non, mises en jeu dans la parole. Ce sont elles qui fixent dans notre esprit les familles de mots, les paradigmes de flexion, les éléments formatifs : radicaux, suffixes, désinences, etc. (voir p. 253 sv.).

Mais l’association ne dégage-t-elle que des éléments matériels ? Non, sans doute ; nous savons déjà qu’elle rapproche des mots reliés par le sens seulement (cf. enseigne-