Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/20

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tous les résultats de la comparaison, et par là d’enchaîner les faits dans leur ordre naturel. Grâce à eux, on ne vit plus dans la langue un organisme qui se développe par lui-même, mais un produit de l’esprit collectif des groupes linguistiques. Du même coup on comprit combien étaient erronées et insuffisantes les idées de la philologie et de la grammaire comparée[1]. Cependant, si grands que soient les services rendus par cette école, on ne peut pas dire qu’elle ait fait la lumière sur l’ensemble de la question, et aujourd’hui encore les problèmes fondamentaux de la linguistique générale attendent une solution.

  1. La nouvelle école, serrant de plus près la réalité, fit la guerre à la terminologie des comparatistes, et notamment aux métaphores illogiques dont elle se servait. Dés lors, on n’ose plus dire : « la langue fait ceci ou cela », ni parler de la « vie de la langue », etc., puisque la langue n’est past une entité, et n’existe que dans les sujets parlants. Il ne faudrait pourtant pas aller trop loin, et il suffit de s’entendre. Il y a certaines images dont on ne peut se passer. Exiger qu’on ne se serve que de termes répondant aux réalités du langage, c’est prétendre que ces réalités n’ont plus de mystères pour nous. Or il s’en faut de beaucoup ; aussi n’hésiterons-nous pas à employer à l’occasion telle des expressions qui ont été blâmées à l’époque.