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Chapitre IV

L’analogie

§ 1.

Définition et exemples.

Il résulte de ce qui précède que le phénomène phonétique est un facteur de trouble. Partout où il ne crée pas des alternances, il contribue à relâcher les liens grammaticaux qui unissent les mots entre eux ; la somme des formes en est augmentée inutilement ; le mécanisme linguistique s’obscurcit et se complique dans la mesure où les irrégularités nées du changement phonétique l’emportent sur les formes groupées sous des types généraux ; en d’autres termes dans la mesure où l’arbitraire absolu l’emporte sur l’arbitraire relatif (voir p. 183).

Heureusement l’effet de ces transformations est contrebalancé par l’analogie. C’est d’elle que relèvent toutes les modifications normales de l’aspect extérieur des mots qui ne sont pas de nature phonétique.

L’analogie suppose un modèle et son imitation régulière. Une forme analogique est une forme faite à l’image d’une ou plusieurs autres d’après une règle déterminée.

Ainsi le nominatif latin honor est analogique. On a dit d’abord honōs : honōsem, puis par rotacisation de l’s honōs : honōrem. Le radical avait dès lors une double forme ; cette dualité a été éliminée par la forme nouvelle honor, créée sur le modèle de ōrātor : ōrātōrem, etc., par un procédé que nous étudierons plus bas et que nous ramenons dès