Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/233

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et traisait a été fait sur le modèle de plaire : plaisait, etc…

La langue ne retient qu’une minime partie des créations de la parole ; mais celles qui durent sont assez nombreuses pour que d’une époque à l’autre on voie la somme des formes nouvelles donner au vocabulaire et à la grammaire une tout autre physionomie.

Tout le chapitre précédent montre clairement que l’analogie ne saurait être à elle seule un facteur d’évolution ; il n’en est pas moins vrai que cette substitution constante de formes nouvelles à des formes anciennes est un des aspects les plus frappants de la transformation des langues. Chaque fois qu’une création s’installe définitivement et élimine son concurrent, il y a vraiment quelque chose de créé et quelque chose d’abandonné, et à ce titre l’analogie occupe une place prépondérante dans la théorie de l’évolution.

C’est sur ce point que nous voudrions insister.


§ 2.

Les innovations analogiques symptomes des changements d’interprétation.


La langue ne cesse d’interpréter et de décomposer les unités qui lui sont données. Mais comment se fait-il que cette interprétation varie constamment d’une génération à l’autre ?

Il faut chercher la cause de ce changement dans la masse énorme des facteurs qui menacent sans cesse l’analyse adoptée dans un état de langue. Nous en rappellerons quelques-uns.

Le premier et le plus important est le changement phonétique (voir chap. II). En rendant certaines analyses ambiguës et d’autres impossibles, il modifie les conditions de la décomposition, et du même coup ses résultats, d’où déplacement des limites des unités et modification de leur nature. Voyez ce qui a été dit plus haut, p. 195, des composés tels que beta-hûs et redo-lîch, et p. 213 de la flexion nominale en indo-européen.