Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C.

L’étymologie.

L’étymologie n’est ni une discipline distincte ni une partie de la linguistique évolutive ; c’est seulement une application spéciale des principes relatifs aux faits synchroniques et diachroniques. Elle remonte dans le passé des mots jusqu’à ce qu’elle trouve quelque chose qui les explique.

Quand on parle de l’origine d’un mot et qu’on dit qu’il « vient » d’un autre, on peut entendre plusieurs choses différentes : ainsi sel vient du latin sal par simple altération du son ; labourer « travailler la terre » vient de l’ancien français labourer « travailler en général » par altération du sens seul ; couver vient du latin cubāre « être couché » par altération du sens et du son ; enfin quand on dit que pommier vient de pomme, on marque un rapport de dérivation grammaticale. Dans les trois premiers cas on opère sur des identités diachroniques, le quatrième repose sur un rapport synchronique de plusieurs termes différents : or tout ce qui a été dit à propos de l’analogie montre que c’est là la partie la plus importante de la recherche étymologique.

L’étymologie de bonus n’est pas fixée parce qu’on remonte à dvenos ; mais si l’on trouve que bis remonte à dvis et qu’on puisse par là établir un rapport avec duo, cela peut être appelé une opération étymologique ; il en est de même du rapprochement de oiseau avec avicellus, car il permet de retrouver le lien qui unit oiseau à avis.

L’étymologie est donc avant tout l’explication des mots par la recherche de leurs rapports avec d’autres mots. Expliquer veut dire : ramener à des termes connus, et en linguistique expliquer un mot, c’est le ramener à d’autres mots, puisqu’il n’y a pas de rapports nécessaires entre le son et le sens (principe de l’arbitraire du signe, voir p. 100).