Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/42

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Norvégiens essaient de s’affranchir de cette influence linguistique. La politique intérieure des États n’est pas moins importante pour la vie des langues : certains gouvernements, comme la Suisse, admettent la coexistence de plusieurs idiomes ; d’autres, comme la France, aspirent à l’unité linguistique. Un degré de civilisation avancé favorise le développement de certaines langues spéciales (langue juridique, terminologie scientifique, etc).

Ceci nous amène à un troisième point : les rapports de la langue avec des institutions de toute sorte, l’Église, l’école, etc. Celles-ci, à leur tour, sont intimement liées avec le développement littéraire d’une langue, phénomène d’autant plus général qu’il est lui-même inséparable de l’histoire politique. La langue littéraire dépasse de toutes parts les limites que semble lui tracer la littérature ; qu’on pense à l’influence des salons, de la cour, des académies. D’autre part elle pose la grosse question du conflit qui s’élève entre elle et les dialectes locaux (voir p. 267 sv.) ; le linguiste doit aussi examiner les rapports réciproques de la langue du livre et de la langue courante ; car toute langue littéraire, produit de la culture, arrive à détacher sa sphère d’existence de la sphère naturelle, celle de la langue parlée.

Enfin tout ce qui se rapporte à l’extension géographique des langues et au fractionnement dialectal relève de la linguistique externe. Sans doute, c’est sur ce point que la distinction entre elle et la linguistique interne paraît le plus paradoxale, tant le phénomène géographique est étroitement associé à l’existence de toute langue ; et cependant, en réalité, il ne touche pas à l’organisme intérieur de l’idiome.

On a prétendu qu’il est absolument impossible de séparer toutes ces questions de l’étude de la langue proprement dite. C’est un point de vue qui a prévalu surtout depuis qu’on a tant insisté sur ces « Realia ». De même que la plante est modifiée dans son organisme interne par des facteurs étrangers : terrain, climat, etc., de même l’orga-