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SIGNIFICATION DE I,'î ARIEN POUR a. 165

OÙ l'ï se trouve à Vintérieur de la racine. On peut joindre aux exemples donnés çikafe «tomber par gouttes», dont la forme forte est dans le grec KriKiui, et khiddti «presser», khidrd, khidvas, qui, ainsi que l'a reconnu Grassmann, sont parents du gr. Kabiu. L'e de khédâ «mar- teau» et de vikhéda n'est point originaire, puisqu'on a en même temps éakhdda, parfait védique donné par Pànini.

Tous ces exemples de Vî ont ceci de commun et de caracté- ristique qu'ils correspondent à un â long des formes fortes. Les racines sans dégradation, comme tap tâpati ou pac pâcati, placées dans les mêmes conditions d'accent, ne convertiront jamais leur a en i^. Si elles ne peuvent l'expulser, elles le garderont toujours tel quel: faptâ, pdkti etc.

Si l'on considère de plus que tout î placé à la fin d'une racine est accompagné d'un â dans la forme forte, qu'il en est de même, en dehors de la racine, dans lés formes de la 9* classe verbale comme ppmnds en regard de prnàti, on arrivera à cette notion, que l'I arien pour a suppose un a long dans les formes non af- faiblies AUSSI nécessairement que le véritable i suppose ai ou que r suppose ar.

Or la réduction de l'a long, pour désigner ainsi le phénomène en faisant abstraction de toute reconstruction théorique, ce fait qui est la condition même de l'î arien, ce fait appartient à l'histoire de la langue mère, non à l'histoire de la période indo-iranienne; la comparaison des langues d'Occident l'a suffisamment établi. Il est clair par conséquent que le germe de l'ï est indo-européen. Le vocalisme arien accuse une différence de qualité entre les a proethniques sortis de â, ou du moins certains d'entre eux, et les a proethniques non sortis de â.

Cette définition a sorti d'un â long convient admirablement aux phonèmes a et ^ des langues européennes. L'î arien serait-il donc purement et simplement le représentant de ces phonèmes? Nulle- ment. Cette thèse serait insoutenable. Dans la majorité des cas a et 9 sont rendus par a, comme nous l'avons vu au chapitre IV et tout à l'heure encore où il était question des formes bhàgati, râdati etc. opposées à (payeiv, râdo etc. Entre les cas même où le sans- krit conserve la dégradation, il en est bon nombre, nous l'avons cons-

��1. Ni les aoriste^ comme âji^at ni les désidératifs tels que pita de pat ne sauraient infirmer cette règle. La valeur de IV des aoristes est nulle puiscju'il apparaît même à la place d'un u {nubyigat), et les désidératifs doivent peut-être le leur à un ancien redoublement.

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