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liquides sonantes de l’aoriste thématique.
πελ : ἐ-πλ-ό-μην πετ : ἐ-πτ-ό-μην
(ἐ)γερ : (ἔ)γρ-ε-το σεχ : ἔ-σχ-ο-ν
1 σεπ : ἔ-σπ-ο-ν
2 σεπ : ἐνί-σπ-ε[1]

Les impératifs σχές et ἐνίσπες ont déterminé M. Curtius à admettre dans ces deux aoristes la métathèse de la racine[2]. M. Osthoff, dans son livre : Das Verbum in der Nominalcomposition, p. 340, a déjà déclaré ne pouvoir souscrire à une opinion semblable de l’éminent linguiste relative aux présents comme γίγνομαι, μίμνω, et cela en partant aussi de la conviction que la dégradation de la racine y est absolument normale. Comment d’ailleurs la métathèse se mettra-t-elle d’accord avec le vocalisme des thèmes σχε σχο, σπε σπο ? – Ces impératifs ont donc suivi l’analogie de θές, ἕς.

Chose étonnante, le sanskrit ne forme cet aoriste que sur les racines de la classe B : les formes comme ἔ-πτ-ε-το lui sont étrangères ; la seule trace qu’il en offre peut-être est la 3e personne du plur. kránta qui, à côté de ákrata (3e pl.) a l’air d’être une forme thématique ; qu’on veuille bien comparer plus bas ce qui a trait aux nasales des désinences[3].

En revanche les exemples abondent pour les racines de la forme B : róhati áruhat, várdhati ávr̥dhat etc. En grec ϕευγ fait ἔϕυγον, στειχ fait ἔστιχον ; de même, et c’est là que nous en voulions venir,

δέρκομαι fait ἔ-δρακ-ο-ν (skr. ádr̥çam)
πέρθω ἔ-πραθ-ο-ν
πέρδω ἔ-παρδ-ο-ν
τέρπω  ταρπ-ώ-μεθα

ἔτραπον de τρέπω vient aussi d’une forme ἔτr̥πον, mais ici c’est une liquide précédant l’e qui s’est transformée en sonante.

  1. La présence de l’s dans les trois derniers exemples atteste l’ancienneté de cette formation. – En ce qui concerne ἐνίσπε on ne peut repousser complètement l’idée qu’il y a là un imparfait dont le présent serait *ἴ-σπ-ω. Cf. ἴ-σχ-ω, πί-πτ-ω et notre note 1, page 12. Il faudrait donc diviser ainsi : ἐν-ί-σπ-ε.
  2. Dans les autres aoristes on aurait la syncope. Verbum II 7.
  3. M. Delbrück (Altind. Verb., p. 63) dit bien que sran dans avasran (R. V. IV 2, 19) contient la voyelle thématique. Mais les preuves positives manquent et Grassmann interprète cette forme d’une manière toute différente (a-vas-ran). – á-gama-t est d’une autre formation, qui se reproduit en grec dans le dorien ἔ-πετο-ν, dans l’attique ἔ-τεμο-ν. Cet aoriste-là coïncide pour la forme avec l’imparfait de la 1e classe verbale. C’est l’aoriste non-sigmatique slave : nesŭ.