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liquides sonantes des suffixes. — nasales sonantes.
2. Syllabes suffixales.

Les noms de parenté et les noms d’agent en -tar expulsent, aux cas faibles, l’a du suffixe qui se réduit à -tr, ou, devant les désinences commençant par une consonne, à -tr̥. De là :

gr. πα-τρ-ός, lat. pa-tr-is : cf. skr. pi-tr-á
et avec  :  gr. πα-τρά-σι = skr. pi-tŕ̥-šu.

cf. Brugmann, Zur Gesch. der stammabstufenden Declinationen, Studien IX 363 seq. On a de même : μητράσι, ἀνδράσι, ἀστράσι etc.

Le mot en -ar est-il le premier membre d’un composé, il faut attendre la forme faible, comme dans l’indien bhrātr̥-varga. Peut-être en grec ἀνδρά-ποδο-ν est-il, comme le prétend M. Brugmann, un dernier échantillon de ce mode de formation.

Au nom. -acc. sing. de certains neutres apparaît un suffixe -r̥ ou -r̥-t qui a donné skr. yákr̥t = gr. ἧπαρ = lat. jecur (probablement pour *jequor). Cependant tous les neutres grecs en -αρ ne remontent pas à une forme en  : οὖθαρ par exemple, répond au védique ū́dhar, et son α n’est point anaptyctique.

§ 2. Nasales sonantes.

Tandis que la liquide sonante s’est maintenue du moins dans l’antique langue de l’Inde, les nasales sonantes ont entièrement disparu, comme telles, du domaine indo-européen[1]. Il y a plus : la liquide, en cessant d’être sonante, n’a point du même coup cessé d’exister ; elle s’est bornée à prendre la fonction de consonne. Autre a été le sort des nasales, soit dans le grec, soit dans les langues ariennes : en donnant naissance à un phonème vocalique, elles ont elles-mêmes succombé, et, pour mettre le comble à la complication, le phonème en question est venu se confondre avec l’a.

Cet a n’a rien qui le fasse distinguer de prime abord dans le sanskrit ni dans le zend. En grec on peut heureusement le reconnaître plus facilement, parce qu’il se trouve souvent opposé à un ε radical (τείνω — τατός).

Dans les langues congénères la nasale s’est conservée ; en revanche, la voyelle qui s’est développée devant elle a pris, dans plusieurs de ces idiomes, la couleur de l’e ; et il est souvent impossible de savoir si le groupe en remplace réellement une nasale sonante.

  1. Il n’est naturellement pas question ici des nasales sonantes qui se sont formées à nouveau dans plusieurs langues anciennes et modernes.