Le travail où M. Brugmann a exposé sa théorie offre des matériaux considérables à qui est désireux d’étudier la question ; mais il convient de rassembler ici les principaux faits dont il s’agit, en les plaçant dans le cadre qui nous a servi pour les phénomènes relatifs aux liquides. Les deux séries se complètent et s’éclairent ainsi l’une l’autre.
Voici les différents phonèmes qui sont sortis des nasales sonantes :
(Indo-eur. | n̥ [ń̥] | m̥) | (Indo-eur. | n̥ [ń̥] | m̥) |
Arien[1] | a | a | Latin | en | em |
Grec | α | α | Paléosl. | ę | ę |
Got. | un | um | Lituan. | in | im |
Les nasales sonantes ont pu prendre naissance de deux manières : ou par la chute d’un a, comme c’est toujours le cas pour les liquides sonantes ; ou par l’adjonction à un thème consonantique d’une désinence commençant par une nasale. Nous considérons d’abord le premier cas.
Aoriste thématique (cf. page 10). L’indien randh « tomber aux mains de » a un aoriste á-radh-a-t, lequel sort de *a-rn̥dh-a-t, à supposer du moins que la racine soit bien randh, et non radh.
On voit ici dès l’abord le contraste des conceptions, suivant qu’on croit ou non à la nasale sonante. Jusqu’ici on regardait la nasale d’une racine telle que randh comme un élément mobile rejeté dans la forme faible. Avec la théorie nouvelle c’est au contraire l’a qui a été rejeté, en concordance parfaite avec ce qui a été développé plus haut, et l’a que nous voyons, l’a de áradhat, équivaut à une nasale, car il est fait de la substance même de cette nasale évanouie. Si le hasard avait voulu que ce fût un u et non un a qui se développât dans les langues ariennes sur la nasale sonante, l’aoriste en question serait « árudhat ».
Le grec est là pour en donner la preuve irréfragable, car chez lui la monotonie de l’a cesse et le dualisme se révèle dans les deux teintes ε et α :