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nasales sonantes des thèmes nominaux.

Thèmes en -ú (cf. page 16). L’identité de l’ind. bahú et du gr. παχύς (bahulá = παχυλός) s’impose avec non moins de force que le rapprochement de pinguis avec παχύς que l’on doit à M. Curtius. On est obligé d’admettre la réduction de la première aspirée ph dans la période antéhistorique, où l’italique n’avait pas encore converti les aspirées en spirantes, et ceci n’est point sans doute un cas unique dans son genre. Or pinguis pour penguis nous prouve que l’a de bahú et de παχύς représente une nasale sonante. Le superlatif skr. báṃh-išṭha en offrait du reste la preuve immédiate.

Le skr. raghú, laghú = gr. ἐλαχύς contient également la nasale sonante, à en juger par les mots parents skr. ráṃhas et ráṃhi. Donc le latin lĕvis est pour *leṅhuis, *leṅuis ; les traitements divers de pinguis et de levis n’ont d’autre raison que la différence des gutturales (gh₁ et gh₂ : bahú, raghú). La discordance du vocalisme dans levis vis-à-vis d’ἐλαχύς est supprimée. Le lit. lèngvas, le zd. reñǵya confirment l’existence de la nasale. Enfin, pour revenir au skr. raghú, l’a de ce mot ne s’explique que s’il représente une nasale sonante, autrement il devait disparaître comme dans r̥ǵú (superl. ráǵišṭha) et dans les autres adjectifs en .

Le lat. densus indique que δασύς est pour δσύς.

L’affaiblissement de la syllabe radicale devant le suff. se vérifie encore dans βαθύ-ς, de la racine βενθ dont la forme pleine apparaît dans βένθ-ος. Ici cependant, comme plus haut pour παθεῖν, on peut être en doute sur la provenance et par conséquent aussi sur la nature de l’α : car à côté de βενθ on a la rac. βᾱθ sans nasale. Ces sortes de doublets nous occuperont dans un prochain chapitre.

Thèmes de diverses formations :

Skr. así = lat. ensis. Skr. vastí et lat. ve(n)sīca.

Le got. ūhtvo (c.-à-d. *unhtvo) « matin » répond, comme on sait, au védique aktú « lumière », auquel on a comparé aussi le grec ἀκτις « rayon ».

Le gr. πάτο-ς « chemin » doit remonter à *πτο-ς, vu la nasale du skr. pánthan, gén. path-ás (= pn̥th-ás).

Le thème n̥dhara (ou peut-être m̥dhara) « inferior » donne l’indien ádhara, le lat. inferus, le got. undaro.

    δέρξις, θέλξις. Pour les formes slaves telles que -mętĭ cette possibilité se change presque en certitude.