Page:Saussure - Recueil des publications scientifiques 1922.djvu/359

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE SUFFIXK -T-. 349

Quant au suffixe t, qui est notre point de départ, on pourrait se demander à première vue si ce n'est pas là un simple ren- forcement phonique dont ne sont susceptibles que les racines voca- liques ou celles qui ont été rendues vocaliques par métathèse ou affaiblissement. Mais en examinant ces dernières on remarque bien vite l'accord que présentent le sanscrit et le grec quant aux con- sonnes qui les terminaient dans l'origine. Dans l'une et l'autre langue ce sont r (l), m et w, bien que chacune d'elles ait suivi sa voie propre dans la modification euphonique des mots ainsi formés: le sanscrit vocalise la syllabe ar en r et renonce aux lettres m et n; le grec emploie partout la métathèse. Exemples: Rac. kar {kar- makrt), star (cpuXXodTpujT) ; — gam (aranjagdt)^ tam (iGuTjuriT) ; — tan (parîtat), dhan (àv5po0vr|T). Cette concordance ne permet pas de supposer que les formes en question aient été faites postérieurement dans chacune des deux langues sur l'analogie des véritables racines vocaliques : elle conduit au contraire à des formes indo-européennes où t devait se placer encore à la suite d'une consonne {gamt, tant, kart) \ tout en indiquant que les groupes plus durs tels que pi, kt, tt étaient en désuétude dès avant la séparation des langues (excepté bien entendu dans leurs élargissements pfa, kfa, tta). Mais la preuve que ceux-là aussi ont existé nous est offerte dans le grec àiTTUJ-T où notre suffixe a été imposé à une racine en t (pat), dans àvaK-T de la rac. ^a^K (vinco) ^, dans Ta^CK-T, lac-t où nous tenons glag pour la racine, dans vuk-t, voy. plus haut.

C'est sans doute le même t qui apparaît dans des formations secondaires telles que sanscrit jakrt à côté de lat. jecor, dans 5a|uap-T et tant d'autres mots où M. Curtius l'a appelé «suffixe individuali- sant». Journal de Kuhn, IV, 214 ; De nominum gr. form. p. 10.

��P.S. — J'ai cité plus haut des mots en -riT comme TrevriT. Ces formes sont peut-être à l'origine identiques aux participes en -vt, la

��1. Le latin a conservé la forme première, sans métathèse, par exemple dans par-t (l'ancien gén. part-us, Corpus 197, 12, montre qu'il n'y a pas là de suflF. ti}. On a au contraire avec métathèse inter-pret d'une racine parente {ff^pvTiiLii, pretium).

1. Le digamma est assuré par les inscriptions cypriotes. V. Deecke et Siegismund dans les .S'^«rfïVn de Curtius VII, 237.

�� �