Mais quant à savoir si l’insertion du τ est partie des thèmes en -μα, ou des thèmes en -αρ, ou si elle s’est développée de pair sur les deux classes de thèmes, sans qu’il y ait eu de contamination entre elles, c’est une question qui peut se trancher de plusieurs façons, sans qu’aucune solution soit bien satisfaisante.
Voici quelques points à considérer dans la discussion des probabilités :
1º Les langues parentes possèdent un suffixe -mn̥-ta, élargissement du suff. -man ; en latin par exemple ce suffixe a donné augmentum, cognomentum. Ce suffixe manque en grec. – Un suffixe -n̥-ta parallèle à un neutre grec en -αρ, -ατος existe probablement dans le lat. Oufens (masc), Oufentina : cf. οὖθαρ, -ατος. Car Oufens remonte à *Oufento-s.
2º Le t qui se montre au nom.-acc. du skr. yákr̥-t pourrait bien malgré tout avoir joué un rôle dans le phénomène. On aurait un parallèle frappant dans le lat. s-an-gu(-en) en regard du sanskrit ás-r̥-g, g. as-n-ás[1] ; là nous voyons clairement l’élément consonantique ajouté au r̥ du nom.-acc. se propager sur le thème en -n. D’autre part il y a quelque vraisemblance pour que la dentale de yákr̥t (yakr̥d) ne soit autre que celle qui marque le neutre dans les thèmes pronominaux[2] ; dans ce cas c’est en réalité un d, et il n’y a plus à s’en préoccuper dans la question du τ grec.
3º Dans le cas où l’insertion du τ serait partie des thèmes en -αρ, il est remarquable que le nom.-acc. de mots en -μα ait subi lui aussi un métaplasme venant de ces thèmes, car les formes ἧ-μαρ, τέκ-μαρ, τέκ-μωρ n’ont point d’analogue dans les langues congénères. Il est vrai que, selon l’étymologie qu’on adoptera, il faudra peut-être diviser ainsi : ἧμ-αρ, τέ-κμ-αρ, τέ-κμ-ωρ.
4º Les thèmes neutres δουρατ, γουνατ, qui, dans la plus grande partie de la flexion, remplacent δόρυ, γόνυ, sont peut-être au skr. dā́ru-ṇ(-as), ǵā́nu-n(-as) ce que ὀνοματ est au skr. nā́mn(-as). Ceci, sans vouloir préjuger la valeur morphologique de la nasale de dāru-ṇ-, et surtout sans insister sur le choix de ces deux thèmes en u dont la flexion primitive soulève une foule d’autres questions.
5º Même en sanskrit, certaines formes faibles de thèmes terminés en an s’adjoignent un t ; ainsi yuvatí (= yuvn̥ti) à côté de yūnī, tous deux dérivés de yuvan-. A son tour l’indien yuvatí nous remet en mémoire la formation grecque : *προφρn̥τyα, πρόφρασσα, féminin de προφρον-. Cf. encore yúvat pour *yúva au neutre, forme qui comporte aussi une autre explication (p. 28, note 2), et varimátā, ŕ̥kvatā, instrumentaux védiques de varimán, ŕ̥kvan.
6º Les mots paléoslaves comme žrěbę, gén. žrěbęt-e « poulain », telę telęt-e « veau » etc. ont un suffixe qui coïncide avec l’ατ- du grec dans une forme primitive -n̥t. Seulement ces mots sont des diminutifs de formation secondaire,
- ↑ Excellent rapprochement de Bopp, en faveur duquel nous sommes heureux de voir intervenir M. Ascoli (Vorlesungen über vgl. Lautlehre, p. 102). La chute de l’a initial a sa raison d’être ; v. le registre.
- ↑ Cf. yúvat (yúvad), neutre védique de yúvan.
yákr̥t. – Le lat. jecinoris a remplacé l’ancien *jecinis, grâce à la tendance à l’uniformité qui fit passer l’or du nominatif dans les cas obliques. – M. Lindner (p. 39 de son Altindische Nominalbildung) voit aussi dans ἥπατος el pendant du skr. yaknás.