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nasale sonante placée a la fin du mot.

faire remonter la règle de sandhi sanskrite relative à i et u devant les voyelles, du moins dans son principe[1], jusqu’à la période proethnique ; et l’usage védique ne parlerait guère en faveur de cette thèse. Nous n’entrerons pas ici dans la discussion de ce point, parce que nous croyons que l’hypothèse : stāmn̥‿api est en effet la plus probable ; mais qu’on veuille bien comparer plus loin ce qui a rapport à l’accusatif singulier des thèmes consonantiques. – On a donc dans la phrase indo-européenne : stāmn̥‿tasya et stāmn̥‿api.

A l’époque où la nasale sonante devint incommode à la langue, époque où Hindous et Iraniens parlaient encore un même idiome, l’ancien stāmn̥‿tasya devint nécessairement stāma‿tasya, skr. sthāma‿tasya. Placé à la fin de la phrase, stāmn̥ devait également donner stāma. Quant à stāmn̥‿api, son développement normal a dû être, en vertu du dédoublement dont il a été question : stāma-n-api. Cette dernière forme a péri : il y a eu unification comme dans une foule de cas analogues pour lesquels il suffit de citer les récents travaux de M. Curtius : Zu den Auslautsgesetzen des Griechischen, Stud. X 203 seq. et de M. Sievers dans les Beiträge de Paul et Braune V 102.

Dans le grec et le slave la marche de cette sélection a dû être à peu de chose près la même que dans les langues ariennes.

Flexion des neutres en -man, dans la langue grecque. – La flexion grecque (ὀνόματος, -ματι etc.) présente partout la nasale sonante grâce à la création d’un thème en -τ difficile à expliquer. Il faut naturellement mettre cette déclinaison en regard de celle de ἧπαρ, ἥπατος. ὀνόματος répond au skr. nā́mnas, ἥπατος au skr. yaknás ; et pour ce qui est de cette dernière classe de thèmes, nous pouvons être certains, quelle que soit l’origine du τ grec, que la déclinaison indienne yákr̥t, yaknás, qui ne connaît l’r qu’au nom.-acc. sing. reflète fidèlement celle de la langue mère[2].

  1. Dans son principe seulement, car il faudrait supposer en tous cas un indo-européen à la place de la spirante du sanskrit classique, et le v de la même langue serait encore bien plus éloigné de la consonne primitive (). – Nous ajoutons que dans la restitution des formes indo-européennes nous nous servons des signes w et y sans essayer de distinguer l’u et l’i consonnes ( et de Sievers), des spirantes correspondantes (w et j de Sievers). Dans le cas de madhw api, w représenterait certainement .
  2. Partir d’un ancien génitif *ἥπαρτος serait récuser le témoignage du sanskrit et en même temps admettre inutilement en grec un cas d’altération phonétique, dont les exemples, s’ils existent (v. p. 8), sont en tous cas très sporadiques. Il est vrai que yakr̥t s’est aussi, plus tard, décliné en entier ; mais le fait important, c’est que yakan ne peut point avoir d’autre nominatif que