Page:Saussure - Recueil des publications scientifiques 1922.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
nasales sonantes produites dans la dérivation.

d’affaiblissement ; qu’elle n’apparaîtra que si l’élément dérivatif commence par une consonne. Voyons d’abord quelques exemples du cas inverse, où le suffixe secondaire commence par une voyelle. Déjà dans le premier volume du Journal de Kuhn (p. 300), Ebel mettait en parallèle la syncope de l’a aux cas faibles du skr. rā́ǵan (gén. rā́ǵńas) et la formation de λίμν-η, ποίμν-η, dérivés de λιμήν, ποιμήν. M. Brugmann (Stud. IX 387 seq.) a réuni un certain nombre d’échantillons de ce genre qui se rapportent aux thèmes en -ar, et parmi lesquels on remarquera surtout lat. -sobrīnus = *-sosr-īnus, de soror. Cf. loc. cit. p. 256, ce qui est dit sur ὕμν-ο-ς, considéré comme un dérivé de ὑμήν.

L’élément dérivatif commence par une consonne :

Le suffixe -man augmenté de -ta devient -mn̥ta. Un exemple connu est : skr. çró-mata = v. haut-all. hliu-munt. Le latin montre, régulièrement, -mento : cognomentum, tegmentum etc.

Un suffixe secondaire -bha qui s’ajoute de préférence aux thèmes en -an sert à former certains noms d’animaux. Sa fonction se borne à individualiser, suivant l’expression consacrée par M. Curtius. Ainsi le thème qui est en zend arshan « mâle » n’apparaît en sanskrit que sous la forme amplifiée r̥ša-bhá (= r̥šn̥-bhá) « taureau ». De même : vŕ̥šan, vr̥ša-bhá. A l’un ou à l’autre de ces deux thèmes se rapporte le grec Εἰραφ-ιώτης, éol. Ἐρραφ-εώτης, surnom de Bacchus[1], v. Curtius Grdz. 344.

Le grec possède comme le sanskrit un assez grand nombre de ces thèmes en -n̥-bha, parmi lesquels ἔλ-αφο-ς est particulièrement intéressant, le slave j-elen-ĭ nous ayant conservé le thème en -en dont il est dérivé. M. Curtius ramène ἐλλός « faon » à *ἐλν-ό-ς ; ce serait une autre amplification du même thème el-en.

Les mots latins columba, palumbes, appartiennent, semble-t-il, à la même formation ; mais on attendrait -emba, non -umba.

Le skr. yúvan « jeune », continué par le suff. -ça, donne yuvaçá. A qui serait tenté de dire que « la nasale est tombée », il suffirait de rappeler le lat. juven-cu-s. Le thème primitif est donc bien yawn̥-ká. Le got. juggs semble être sorti de *jivuggs, *jiuggs ; cf. niun pour *nivun.

Skr. párvata « montagne » paraît être une amplification de párvan « articulation, séparation ». On en rapproche le nom de pays Παρρασία, v. Vaniček, Gr.-Lat. Et. W. 523.

  1. L’ε initial n’est probablement qu’une altération éolo-ionienne (cf. ἔρσην) l’α que doit faire attendre le de la forme sanskrite.