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44:3 VIEUX PRUSSIEN SIEAN «LE CŒUR».

{Mémoires de la Société de Linguistique, VII, p. 79. — 1892.)

Dans le proche voisinage du lituanien fiirâ/is et du lette si'rds (d'accord eux-mêmes avec slavon srùdïce), on n'est pas médiocre- ment surpris de trouver, en prussien, une forme d'où le d est com- plètement disparu. Siran, stjran, siras, siru, sirans et l'adverbe sirisku «de cœur» : telles sont les formes relevées par le glossaire de Nes- selmann. On ne semble pas toutefois avoir pris garde que siran était séparé de ^irdls par une différence plus essentielle que celle des consonnes, et qui nous donne le mot de l'énigme.

Pour qui connaît le système de notation du catéchisme, beau- coup plus exact et plus conséquent qu'on ne veut bien le dire, la circonstance qu'un groupe sira- puisse être six fois répété sans jamais s'écrire sirra-, signifie à n'en pas douter que Vi était long. Mais nous n'en sommes pas réduits à cette preuve indirecte, puisque l'un des six exemples est marqué par y (valant très régulièrement ï), et que trois autres, comme il est facile de le vérifier, portent dans le texte un circonflexe non reproduit dans le glossaire (pas davan- tage dans le Thésaurus): sîran 61, sîru 82, sîrisku 24.

Le groupe -ir- ne pouvant d'aucune façon se ramener à ïr = r, il ne reste plus qu'à poser sir a- ■^^'^ sera-. On obtient ainsi la proportion:

pr. sîria)- : lit. fiirdis = Kiîp : Kapbi'a. La proportion est vraie pour les consonnes comme pour les voyelles. L'indo-européen '■'Jciêrd «cœur», qu'on ne connaissait jusqu'ici que par le grec Kfjp^, a toujours été regardé comme une forme de nomi- natif-accusatif exclusivement, et l'absence du b dans Kfjpoç, Kfîpi comme un contre-coup de sa chute régulière dans *Krip5. Or le d final étant traité en baltique comme en grec, tout ce qui s'applique à Kfip, Kfîpoç s'appliquera à 'Hir, sîra-.

Il n'y a pas grand intérêt a examiner à cette place si le pri- mitif *kiër{d) n'aurait pas perdu son d dès la période indo-euro- jxîenne, ce qui résoudrait le conflit où est Kfip avec une loi connue de la phonétique grecque ^.

1. Accessoirement par le skr. hârd- dans su-hârd-, dur-hârd-. Ces formes ne sous inspirent toutefois qu'une confiance limitée, parce que nous croyons qu'il existe un allongement indo-européen dans le second membre de cEnTAiNs composés. Cf. entre autres, véd. prthu-^Ctyhanâ de rfaghana-m, got. fidur-dôys de dags.

2. *Knpb aurait dû faire *Kép(b). M. Brugmann admet, en conséquence, que la chute des dentales finales grecques est antérieure à la loi en question [Grundrili, II, 450).

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