(Mémoires de la Société de Linguistique, VII, p. 89. — 1892.)
Décomposé en ὑγ + ιής, le mot donne un suffixe de forme énigmatique, joint à une racine qui n’est pas beaucoup plus claire. On conviendra qu’il n’y a rien de particulièrement frappant dans le rapprochement traditionnel d’ὑγιής avec véd. ugrá- dont le sens exact est doué d’une puissance redoutable (presque le grec δεινός).
En adoptant l’analyse ὑ + γιής, on aurait dans le second élément un congénère de βιός « vie », avec γ au lieu de β, à cause de l’u qui précède, comme dans βου-κὀλος contre αἰ-πόλος (Mém. Soc. Ling. VI, 161 [417]).
Le premier élément peut être compris de trois façons :
1o Comme étant le sanscrit su-. Type *su-g2iwes- « ayant vie bonne »[1] La formule de salut usitée en prenant congé de quelqu’un, ὑγίαινε, « portez-vous bien » serait le pendant de l’allemand lebe wohl, leben Sie wohl, proprement « vivez bien ».
2o Comme équivalent du zend yavae- dans yavae-gi- « éternellement vivant ». Yave peut se rapporter, soit il la racine du skr. yavan- « jeune », soit à celle de agus- « âge, éternité », deux racines qui d’ailleurs n’en font probablement qu’une. Le composé yavae-gi- rappelle d’une part ὑ-γιής et de l’autre αἰ-ζηοί « les jeunes hommes », dont le second membre se retrouve dans μινύζηον ⋅ ὀλιγόβιον (Hésychius)[2].
- ↑ Ce qui peut s’entendre en deux sens différents. Ou bien « plein de vie, ayant toute sa vitalité ». Ou bien menant bonne vie, observant l’hygiène (εὐ-δίατος). La seconde interprétation se recommanderait peut-être par le seul passage d’Homére où le mot se rencontre : μῦθος ὑγιής (Θ 524) « avis sain et sage, parole exprimant le parti le plus sage à prendre ».
- ↑ C’est peut-être aussi dans cette direction qu’il faut chercher la clef du cypriote ὕϝαις ζᾶν « à perpétuité ».