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racines du type C où l’expulsion de l’a est possible.

Il y a dans les différentes langues une multitude de cas de ce genre, que nous n’avons pas l’intention d’énumérer ici. La règle pratique très simple qui s’en dégage, c’est que, lorsqu’on pose la question : telle classe de thèmes a-t-elle l’habitude de conserver ou de rejeter l’a (e) radical ?, on doit se garder de prendre pour critère des formes où l’a (e) ne pouvait pas tomber.

C’est ici le lieu de parler brièvement de ce qui se passe dans les racines dont as et wak peuvent servir d’échantillons. Il est permis à la rigueur de les joindre au type C ; mais chacun voit que la nature sonantique de la consonne initiale chez wak et son absence totale chez as créent ici des conditions toutes particulières.

Chez les racines comme as, peu nombreuses du reste, la chute de l’a n’entraîne point de conflit ni d’accumulation de consonnes. Elle est donc possible, et en temps et lieu elle devra normalement se produire. De là la flexion indo-européenne : ás-mi, ás(-s)i, as-ti ; s-mási, s-tá etc. Optatif : s-yā́m. Impératif : (?) z-dhí (zend zdī). Voy. Osthoff, K. Z. XXIII 579 seq. Plus bas nous rencontrerons skr. d-ánt, lat. d-ens, participe de ad « manger ».

La racine wak est en sanskrit vaç et fait au pluriel du présent uç-más ; on a semblablement iš-ṭá de yaǵ, r̥ǵ-ú de raǵ etc. Quel est ce phénomène ? Un affaiblissement de la racine, sans doute ; seulement il est essentiel de convenir que ce mot affaiblissement ne signifie jamais rien autre chose que chute de l’a. C’est laisser trop de latitude que de dire avec M. Brugmann (loc. cit., p. 324) « Vocalwegfall unter dem Einfluß der Accentuation ». Entre autres exemples on trouve cités à cette place indo-eur. snusá « bru » pour sunusá, skr. strī « femme » pour *sutrī. Lors même que dans ces mots un u serait tombé (la chose est indubitable pour le véd. çmasi = uçmási), il s’agirait ici d’un fait absolument anormal qu’on ne saurait mettre en parallèle et qui est plutôt en contradiction avec la loi de l’expulsion de l’a, car un corollaire de cette loi, c’est précisément que les coefficients de l’a se maintiennent. Gardons-nous aussi de prononcer le mot samprasāraṇa : ce terme, il est vrai, désigne simplement le passage d’une semi-voyelle à l’état de voyelle ; mais en réalité il équivaut dans tous les ouvrages de linguistique à : rétrécissement des syllabes ya, wa, ra (ye, we ; yo, wo) en i, u, . Dans l’esprit de celui qui emploie le mot samprasāraṇa, il y a inévitablement l’idée d’une action spéciale de y, w, r sur la voyelle qui suit, et d’une force absorbante dont jouiraient ces phonèmes. Si tel est le sens qu’on attache au mot samprasāraṇa, il faut af-