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tandis que la terre tourne

Eh quoi, j’étais l’enfant qui courait dans les pentes
Où les sentiers poussaient des touffes de soleil.
Alors sur les anneaux de mes tresses luisantes
Un rayon de lumière enroulait son sommeil.
Les rêves du matin comme des libellules
Froissaient autour de moi leurs réseaux de clartés ;
Mon désir trépignait dans ses petites mules
Et des vaisseaux chargés d’aurore m’invitaient.
Des amours querelleurs ricanaient dans les vignes,
Pressant la grappe tiède et lourde entre leurs doigts.
J’hésitais à partir sur le dos blanc des cygnes
Ou nichée au creux d’or d’une feuille des bois.
Les papillons disaient : Viens, l’heure est éternelle,
Nous sommes les amants poudrés des Pompadours,
Les mouches de leurs seins s’attachent à notre aile,
Notre aile est un baiser de soie et de velours.

Ah ! mon cœur, souviens-toi ; la montagne était blonde,
Une telle lueur colorée et profonde
Éclairait le gosier des clochetons d’azur
Que mon sang s’arrêtait dans son torrent obscur…