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LA TOUR DE LA LANTERNE.

n’avait pu élever ses trois enfants Jobn, Edith et Annie, que grâce aux bontés de la femme du directeur de l’usine, Mrs Boyde qui, malbeureusement, venait de mourir.

Lorsque John avait atteint ses quatorze ans, on l’avait embarqué selon l’habitude du pays ; peu après, la petite Annie, si câline et si gaie, prise du même mal que son père, traîna maladive avant de succomber à son tour, et la mère n’eut plus pour l’aider à vivre que la silencieuse et triste Edith.

Cette morose existence influa sur le caractère déjà peu agréable de Mrs Moore ; sa santé s’altéra ; elle devint irascible, acariatre, ne voulut plus voir personne, et fit supporter à sa fille les tristesses de sa vie malheureuse.

L’usine, qui occupait une partie des habitants du village, marchait alors si doucement que l’on s’attendait à sa fermeture prochaine et au départ de M. Boyde, dégoûté du pays depuis la mort de sa femme.

C’était un grave sujet de préoccupations pour la veuve. Ses bienfaiteurs partis, que deviendrait-elle ? Elle craignait de tomber à la charge de la paroisse, ce qui est, en Angleterre, par suite des duretés du régime de l’hospitalisation, le cauchemar des gens pauvres et respectables, et ne cessait de se lamenter du matin au soir.

Ce fut alors que Liette, arrivant chez elle, fut acceptée avec la perspective de servir à édifier son bien-être futur.

Les deux femmes parlaient entre elles très souvent de cette heureuse éventualité ; elles se demandaient, anxieuses, comment ce bonheur leur arriverait, et attendaient impatiemment le retour de John en faisant mille projets d’avenir. Liette dut, en partie, à cet espoir les bons soins dont elle fut entourée pendant sa maladie et la première année de son séjour à Man.

Pour justifier la présence de l’enfant chez elles, elles avaient raconté que Liette était orpheline d’un frère de Mrs Moore, décédé en pays étranger. On s’était contenté de l’explication.

Pourquoi eût-on supposé un mensonge ? Pourquoi ne pas croire aussi la très vraisemblable histoire d’une chute de l’enfant avant