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LE TÉMPS MARCHE, MAIS L’ESPÉRANCE DEMEURE.

lors, on convint que Liette se rendrait, chaque soir, chez Harris, qui lui apprendrait à lire et à écrire.

Les progrès de Liette furent bientôt tels qu’Harris, émerveillé des dispositions de son élève, prolongea les heures de la leçon. Avec une rapidité étonnante la jeune fille sut promptement lire et écrire couramment ; tout ce qu’elle avait appris dans son jeune Âge se reclassait merveilleusement dans son cerveau. Avec quelle joie elle voyait fuir l’ignorance à tire-d’aile. Ah ! certes, pour rien au monde, elle n’eût manqué l’heure de cette leçon, apaisement de son esprit, repos de son cœur.

Assise devant son livre et ses cahiers, elle se croyait à mille lieues de l’île de Man. Son âme semblait baigner dans un fleuve, plein de fraîcheur, et elle ne se lassait pas de retremper ses idées à la source bienfaisante de l’étude. Elle oubliait ainsi les heures amères de sa vie, lorsqu’elle écoutait son jeune maître avec une vigilante attention, tout oreilles à ce qu’il expliquait, à ses récits d’histoire ; ou bien lorsque, le doigt sur la carte, il lui montrait les pays du soleil vers lesquels son esprit aimait toujours à errer.

Avec lui elle apprit encore le français qu’Harris parlait assez correctement, et elle mit à cette étude toute l’ardeur de son âme et de son intelligence.

Ces reposantes occupations adoucirent peu à peu son énergique et forte nature, trop développée peut-être par des travaux jusqu’alors excessifs et déprimants.

Enfin M. Mac Dermott s’était aussi intéressé à cette jeune fille, à laquelle dans l’esprit ou dans les traits il ne trouvait rien des gens chez lesquels elle vivait.

Le vif désir qu’elle montrait à chercher l’occasion de parler français avec ses filles, et sa facilité à s’exprimer dans cette langue l’avaient également surpris. Il en avait conclu, après une discrète enquête, qu’un secret planait sur le passé de cette mystérieuse enfant.

Quelle joie c’était pour Liette, chaque dimanche, au sortir de la messe d’aller retrouver ses aimables protectrices ; disant un rapide adieu à Mrs Moore elle suivait la famille Mac Dermott et entrait