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LA TOUR DE LA LANTERNE.

bonté ont relevé mon courage. Je vais aller retrouver tout cela ; il me faut y retremper mon âme, si je veux vivre heureuse. Merci, cher Harris, pour vos consolantes promesses ; je pars en vous bénissant, non seulement vous êtes l’ami précieux, mais vous avez été le guide généreux de mon intelligence. Vous m’avez tirée de l’ignorance dans laquelle j’étais enlisée ; grâce à vous, j’ai pu me ressaisir ; c’est vous qui avez préparé mon être tout entier à ce merveilleux retour, en m’apprenant la langue chérie que je vais parler désormais ; croyez à mon éternelle reconnaissance.

— Amie, l’heure de la séparation est arrivée, mais j’emporte l’inoubliable souvenir des heures vécues près de vous, celui de votre affection précieuse. Il nous rapprochera plus tard, soyez sûre.

— Adieu, Harris, ne me parlez plus, je n’aurais pas la force de vous entendre… »

La jeune fille tendit les mains à celui qu’elle considérait désormais comme son fiancé. Harris l’attira à lui, et dépose sur son front le premier baiser qui scellait leur mutuel attachement. Comme il s’éloignait, Liette le rappela.

« Un mot encore, dit-elle, pour assurer ma tranquillité : Prenez Lottie près de vous ; ne la laissez pas avec cette femme sans cœur, pétrie d’égoïsme et de fiel ; elle ne saurait élever cette enfant, Cette physionomie sévère, ce regard de vieille femme, dur, sec et fatal, attristent les petits et les rendent malheureux. J’en sais quelque chose… éloignez Lottie de ce cauchemar de ma jeunesse.

— Vous serez écoutée, Liette, répondit Harris, très pénétré des observations de la jeune fille. Demain soir Lottie couchera sous mon toit. Au revoir, chère amie, à demain matin : je serai sur le port pour assister à votre départ de la terre d’exil. »

Liette ne dormit pas cette dernière nuit. Elle la passa près du berceau de sa chère Lottie. En contemplant les traits purs et charmants de l’enfant qu’elle voyait peut-être pour la : dernière fois, son cœur éclata en sanglots. Oh ! qu’il lui en coûtait de laisser derrière elle ce petit être, qui avait su s’emparer des trésors de tendresse que renfermait se jeune âme !