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LA TOUR DE LA LANTERNE.

— Tout à l’heure, si madame le permet, répondit la bonne. Il n’est pas toujours disposé à recevoir du monde. — Oh ! pour moi, poursuivit la jeune fille en souriant, il me recevra toujours, surtout si vous lui dites que c’est « Liette », sa petite Liette qu’il croit perdue et qui revient.

— Jésus ! Marie ! s’écria la servante, la figure bouleversée, que dites-vous là ! Quoi, vous seriez sa petite-fille ?

— Oui, je la suis. Allez, ma bonne fille, prévenir tout doucement grand-papa. Je voudrais tant le revoir ! même avant ma tante que je ne connais pas.

— Qui est là ? tonna tout à coup une voix d’homme dans le corridor.

— Ah ! mon Dieu ! le voilà maintenant qu’il se met en colère, dit la bonne effrayée. :

— Me répondrez-vous ? Nom de nom ! reprit la voix de stentor.

— Oui, monsieur, oui me voilà. Je vais vous dire qui c’est qu’est là. Mais il ne fait pas chaud dans ce corridor. Allons-nous-en. »

Pendant que la domestique entraînait le vieillard dans sa chambre, Mme Rivault pénétrait dans la salle à manger par la porte du fond.

Mme Rivault, la sœur aînée de Mme Baude, était une petite personne méticuleuse, aux cheveux blancs, très myope et légèrement sourde, qui n’avait vu Liette que dans sa première enfance.

Elle demanda à le jeune fille, un peu gênée de la colère du commandant, quel motif l’amenait.

« Madame, lui répondit timidement cette dernière, je suis votre petite-nièce, Juliette Verlet.

— Juliette Verlet, vous dites ?

— Oui, madame, oui ma tante, je suis Juliette Verlet. Je reviens de très loin… Et devant l’air glacial de Mme Rivault, la pauvre enfant ajouta en-pesant sur les mots : Je suis la petite Liette que grand’mère Baude doit encore pleurer, mais qui va lui être rendue. Emmenée en Angleterre par un navire dans la cale duquel j’étais tombée, je suis restée dix ans à l’île de Man dans une honnête