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UN DÉBRIS DE LA GRANDE ARMÉE.

famille, qui ne s’est jamais malheureusement occupée de me rapatrier. Je ne connais que depuis six jours mon pays d’origine, et mon passé m’a été révélé d’une façon extraordinaire. J’accours auprès de mes chers parents que j’ai pleurés pendant de si longues années…

— Mon enfant, répondit la veille dame, je ne comprends pas très bien cette singulière histoire.

— Je suis Liette, ma chère tante, la petite Liette, disparue il y a dix ans. »

Le mauvais accent français de la jeune fille et la difficulté évidente qu’elle éprouvait à former ses phrases donnaient à réfléchir à Mme Rivault.

« Oui, j’entends bien, reprit-elle. C’est une reconnaissance qui mérite d’être mûrement vérifiée. Quant à moi, je ne puis vous reconnaître, ni même vous présenter à mon père, sans l’examen sérieux de ce que vous avancez. »

En prévision de ces hésitations, Liette n’avait eu garde d’oublier le paquet renfermant ses vêtements d’enfant. Elle le présenta à sa tante.

« Ici dans ce foulard, lui dit-elle, se trouve indiscutable, évidente, la preuve de ma sincérité. Mettez-moi en présence de grand-papa Delfossy, puisque vous hésitez sur la valeur de mon témoignage, et si je lui rappelle certains faits d’autrefois, peut-être s’intéressera-t-il à ce que je vous déclare ? peut-être me reconnaîtra-t-il ? En tout cas, vous pouvez vous renseigner à l’île de Man et, en attendent, me dire où habitent ma grand’mère et mes parents ; ils n’hésiteront pas, eux, à m’ouvrir leurs bras.

— Mon enfant, répondit Mme Rivault visiblement bouleversée, j’aurais grand plaisir à vous donner satisfaction, mais je dois, vous devez le comprendre, m’entourer de précautions et de preuves matérielles et morales, avant de condescendre à l’examen de votre reconnaissance. Je ne poux, sans réflexion, vous introduire dans la maison de mon père. Il faut que je le voie, que nous parlions en famille de cet étrange événement… »