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LA TOUR DE LA LANTERNE.

voitise avaient déniché à droite et à gauche chez les paysans et les ouvriers qu’il avait eu occasion de soigner.

Jamais il n’avait pu pénétrer dans le chateau de Beauminois, malgré toutes les ruses que sa cervelle d’antiquaire lui avait suggérées. Il ne connaissait donc de toutes ces merveilles que celles que ce vieux fou exhibait de son panier.

M. de Beauminois ne savait peut-être pas bien lui-même pourquoi il le tenait à distance, meis M. Maufisset en était très vexé ; et, comme l’amour-propre n’est guère le lot des roublards, il rodait constamment autour du vieux gentilhomme pour le faire parler.

Il était aidé souvent par Liette, qui se prêtait à ce manège de séducteur, sans en comprendre l’importance, et qui demandait sinsi tout à coup très gentiment :

« Est-ce qu’il n’y aurait pas quelque chose de joli à regarder dans ce petit panier, monsieur de Beauminois ? Voyons, faites voir un peu. »

À cette invitation, M. de Beauminois regardait autour de lui. Si Maufisset était dans la librairie, il faisait la sourde oreille et se remettait à lire. Mais, s’il apercevait un habitué, un client de marque ou un de ces riches bavards qui ne demandait qu’à être écouté, alors, trouvant l’instant propice, il esquissait un petit signe d’intelligence avec l’enfant, et amoureusement, avec un soin particulier, il sortait d’un papier froissé un objet quelconque qu’il montrait à Liette comme à une grande personne, en lui faisant observer que les ors on le dessin qui l’agrémentaient dataient de telle époque.

Et Liette, sans s’en occuper, devenait une petite antiquaire très avisée.

La démonstration était soi-disant pour la fillette ; mais souvent le client de passage ou l’habitué, s’intéressant à ce que disait le vieillard, regardaient à leur tour l’objet ; et connaisseurs ou non, devinant la pensée du bonhomme, offraient un prix dérisoire ou un échange, et le tour était joué.

Tous les habitués de la librairie connaissaient cette comédie qui les divertissait beaucoup.