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LA TOUR DE LA LANTERNE.

Gerbies qu’à la fin de la semaine prochaine pour la fête de M. Baude. Vous ne vous êtes pas trompée, ajouta-t-il, en se tournant vers Liette et en clignant de l’œil d’un air finaud. Vous revenez pour le bon moument. »

Ceci dit, Rouillard se tut de nouveau et retomba dans son morne silence.

En approchant du chemin creux, qui aboutissait directement aux Gerbies par la traverse, le bonhomme arrêta net son cheval, et se tournant vers la jeune fille, lui dit avec énergie :

« Non, décidément non, boune demoiselle », j’irons pas ensemble plus loin !

— Et pourquoi ? demanda Liette inquiète.

— Croyez ce que je vas vous dire, répondit-il, un peu embarrassé. N’entrez pas à la maison en même temps que moi ; laissez-moi préparer votre arrivée, causer seul avec not’vieux monsieur, lui raconter not’rencontre, puis l’engager à vous recevoir sans que M. Baude-Isart s’en mêle ; car je crains de sa part une fâcheuse réception. Voyez-vous ! Il trouve qu’en ce moment il y a déjà bien trop de monde à la propriété. Mme Joseph Baude est arrivée avec deux de ses fils, ainsi que la famille de M. Philippe Minhet, qui combat à Paris. Tous les jours, il parle de ce surcroît de dépenses ; il faut vraiment que tout ce monde soit de bonne composition pour rester là quand même. Alors me voyez-vous à c’t’heure amener, sans sa permission, une autre bouche à nourrir ! Ah ! je serais bien reçu !

— Alors, dit Liette, si je comprends bien votre pensée, au milieu de toute cette histoire, vous avez l’intention de me laisser sur la route ?

— Oui, répondit Rouillard, vous arriverez une petite heure après moi, le temps de faire à pied les trois kilomètres qui restent et me donner celui de parler à Monsieur. Faut pas m’en vouloir, « boune demoiselle ». C’est dans vot’intérêt, pardienne ! et pour nous éviter à tous les deux des ennuis. M. Baude-Isart est un si chéti particulier.

— C’est bien, dit Liette docile ; je vais descendre. Indiquez-moi la route à suivre. »