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LA TOUR DE LA LANTERNE.

Lorsque Fidèle se remettait à trotter, M. Leypeumal donnait à Liette les rênes à soutenir, imprimant à sa petite main des mouvements de gauche ou de droite qui laissaient croire à la fillette qu’elle dirigeait toute seule la marche de la voiture.

Malgré toutes ces distractions, Liette, ce jour-là resta silencieuse. On avait dépassé la rive et le quai Valin, et elle n’avait pas encore parlé.

En arrivant à la porte Saint-Nicolas, elle se pencha un peu en dehors de la voiture, cherchant à reconnaître, dans le rassemblement d’enfants qui se trouvaient devant l’église, la figure de Cyrille. Elle fit cette inspection en un clin d’œil ; et satisfaite sans doute de ne pas l’apercevoir, elle sourit gentiment à son parrain.

« Qu’as-tu, ma Liette ? lui demanda ce dernier.

— Rien, parrain », répondit-elle.

La voiture tourna à gauche, rasant les fortifications encombrées, en cet endroit, d’une dizaine de roulottes de bohémiens, d’où sortaient des enfants à peine vêtus, la tignasse embroussaillée, sales et dégoûtants. Liette les regarda d’une petite moue dédaigneuse, mais sans desserrer les dents.

Elle était décidément très préoccupée.

On descendit tout le bourg de Tasdon. Fidèle prit un chemin de traverse et s’arrêta bientôt devant un grand portail vert, où se trouvait couché un gros chien qui se mit à aboyer joyeusement en voyant la voiture.

Une paysanne sortit de la maison, le sourire aux lèvres.

« Tais-toi, Faraud, dit-elle au chien ; en voilà-t-y du tapage pour recevoir not’ maître !

Elle prit Liette dans ses bras et la mit à terre.

Bientôt apparut à son tour Pinteau, le métayer, harnaché, guêtré, comme s’il partait en guerre.

Pinteau aimait à chasser ; cela se voyait du reste par les trop nombreux procès-verbaux qu’il avait à son actif, bien que toutes ces condamnations pour braconnage ne l’empêchassent pas d’être un bien bon et brave homme, très dévoué à son maître…

Tandis que M. Leypeumal s’entretenait de ses fermages avec ses