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LA TOUR DE LA LANTERNE.

souvent à une joyeuse et bruyante société de voyageurs. On se délassait de la longueur de route, en racontant de gais propos, en buvant sec et mangeant ferme.

Ce fut dans une de ces peu confortables voilures que Liette et sa grand’mère se mirent en voyage pour la Voirette, petit pays à une dizaine de lieues de La Rochelle.

Liette emportait avec elle une corde à sauter, un cerceau, une balle énorme en caoutchouc, trois de ses poupées et le coffret contenant leur vestiaire.

M. Baude voulut s’opposer à ce déménagement qui compliquait le départ, mais devant l’insistance de la fillette, il finit, comme toujours, par céder, persuadé au surplus, que tous ces objets n’arriveraient pas à destination. En quoi il fut mauvais prophète, les enfants ne prenant jamais plus de précautions pour leurs jouets que lorsqu’on parle de les leur retirer.

Tout arriva intact à Rochefort. Mme Baude se fit descendre à l’auberge du « Coq Hardi », où la voiture du grand-papa les attendait pour continuer la route.

Pendant qu’on attelait le cheval et qu’on empilait dans le coffre de la voiture les commissions pour les Gerbies, Liette regardait avec étonnement l’enseigne de cette auberge primitive.

Un superbe lion du désert, l’air féroce et la crinière embroussaillée, portait sur son dos un beau coq au plumage vert et rouge, à la crête orgueilleuse. L’œil et le bec de l’oiseau, largement ouverts, indiquaient qu’il avait conscience de sa témérité, mais qu’il n’en était pas inquiet le moins du monde ; et sa fanfaronne assurance laissait supposer qu’il envoyait joyeusement dans l’air un éclatant « Coquerico » !

Cependant on partit. La voiture du grand-papa Baude était bien plus patriarcale qu’élégante. Elle avait perdu sa fraîcheur à rouler, de longues années sur les routes, tant de grands et de petits Baude. Le vieux domestique, en blouse bleue, qui conduisait la vieille jument au poil blanc, ne manquait jamais, en répondant au bonjour de ceux qu’il venait chercher, de leur annoncer à quel numéro il en était de ses nombreux voyages. Il se trouva que Mme Baude