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IX

LA MAISON DE FAMILLE



Mme Baude repartit seule quelques jours plus tard, quand elle fut assurée que Liette était bien habituée à sa nouvelle existence.

L’heure du départ fut un cruel moment pour la grand’mère et pour la petite-fille. L’une et l’autre se suivirent longtemps du regard. Liette envoyait des baisers auxquels Mme Baude répondait en agitant son mouchoir. Lorsque la voiture que conduisait Rouillard eût disparu au détour du chemin, la fillette prit son petit tablier pour s’essuyer les yeux.

Restée seule dans le grand pré qui s’étendait en gazon naturel devant la maison, Liette se déclara alors que décidément elle aimait mieux La Rochelle avec la mer, tantôt grise et houleuse, tantôt calme et bleue selon le temps, mais si brillante, si étendue, dont les flots bavards et agités comme ses pensées en ce moment, étaient plus agréables à regarder que ce grand pré vert qui ne changeait ni d’aspect, ni de couleur.

Elle ne se disait pas ces choses d’une façon aussi précise, mais elle les éprouvait ; et ses yeux, tout en regardant les bois silencieux, les allées intimes qui l’entouraient, se remplissaient de grosses larmes. Oh ! oui, elle se trouvait, ici, bien loin de sa maman et des bateaux du port !