Page:Savary - La Tour de la lanterne (= Les Malheurs de Liette) 2e édition - 1913.pdf/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LA TOUR DE LA LANTERNE.

« Pourquoi pleurer encore, mignonne ? lui dit affectueusement tante Minette, en passant auprès d’elle.

— Allons viens avec moi. Gitte va traire les vaches ; tu boiras du bon lait et tu verras danser les petits veaux. »

Prenant la main de la sensible enfant, tante Minette en coup de vent, partit vers les étables.

La maison des Gerbies était une vaste construction, datant du siècle passé, où les parents de grand-papa Baude avaient vu le jour et qu’ils avaient transmise à leur fils, après y avoir ajouté quelques communs en briques et un respectable lot de bois et de prairies.

À son tour, grand-papa l’avait restaurée, y avait ajouté, lui aussi, quelques arpents de terre, si bien qu’elle représentait aujourd’hui un domaine assez important.

Le vieillard, qui s’était livré presque toute sa vie à l’agriculture et à l’élevage, était d’une vieille famille bourgeoise. Il avait reçu une instruction complète au collège de Rochefort ; puis s’était mis en tête, à l’âge où l’on fait tant de bévues, de ne point continuer l’exploitation de ses terres, mais de faire son droit et devenir avocat.

Son père, qu’il avait contrarié, pensant, en raison de ses demandes réitérées d’argent, que sa poche devait être percée, accompagnait les envois d’écus de remontrances, d’observations, de menaces de couper les vivres, etc. Grand-papa trouvait, comme toujours, que son père avait tort. Il se remettait au travail, mais faisait mauvaise besogne, et finalement le Droit allait tout de travers.

Cela eût pu durer encore longtemps, si grand-papa Baude qui était un chançard, n’eût pas, un jour, rencontré sur le chemin de la vie une jeune et charmante orpheline, dont il s’éprit et qu’il épousa. Elle n’était pas excessivement riche, mais elle possédait plus qu’une fortune : un jugement très sain et un savoir-faire réel. À peine mariée, elle fit comprendre à son mari que sa situation était toute trouvée, et qu’il valait mieux prendre une propriété en plein rapport que poursuivre la chimère d’une carrière probléma-