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UNE NOUVELLE CONNAISSANCE.

au service de Mme Baude, et pour s’occuper de Liette, la suivre dans ses promenades, car la propriété était assez isolée du village.

Botte n’avait pas sensibiement grandi ; elle était demeurée à peu de chose près la géante lilliputienne des premiers jours ; mais dégrossie par son séjour à la ville, pas maladroïte du tout, elle était devenue assez habile dans l’art de confectionner certains plats, et dans les travaux du ménage elle n’avait pas son égale. Ses gages s’étaient élevés à mesure que ses aptitudes s’étaient développées.

Maintenant, en raison de ses qualités, elle possédait la confiance de ses maîtres et l’affection de sa petite maîtresse à laquelle elle était très attachée. Mme Minhet réclamait quelquefois ses services, et ces jours-là, Liette devait s’amuser seule dans les dépendances immédiates des Gerbies, et ne point s’éloigner sur les routes.

Dans les premiers temps de son séjour à la campagne, les distractions ne manquèrent pas à la fillette, c’est-à-dire celles qui avaient leur source dans la nouveauté, pour elle, des occupations journalières de la maison : comme la fabrication du beurre ou des fromages, la traite des vaches, les départs et les retours des bestiaux et des chevaux pour les pacages ; caravanes bien amusantes à voir, surtout quand une bête prise de peur, on ne savait pourquoi, filait comme le vent, suivie de quelques autres, et que tous les domestiques, depuis le plus vieux jusqu’au plus jeune, les pourchassaient, s’aidant de bâtons pour les ramener dans le troupeau.

Toutes ces nouveautés l’intéressèrent les premiers jours ; puis, par accoutumance, elle n’y prit plus garde, et son caprice la tourna vers la corde et le cerceau qu’elle avait dû négliger depuis son accident.

Un jour que Botte n’avait pas pu accompagner Liette dans sa promenade, celle-ci s’engagea seule dans une longue allée, bordée de cerisiers, qui de la maison descendait en pente vers un chemin vicinal. Une barrière, peinte en vert, la fermait à cette extrémité, afin d’empêcher les chemineaux et les chiens errants de monter jusqu’aux Gerbies, où, en dehors de cette barrière, toutes autres clôtures étaient les haies fleuries.