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TANTE MINETTE.

— Eh bien ! mais alors, dit la fillette avec sa logique d’enfant, puisqu’on fait deux ouvrages, on doit gagner deux fois plus !

— Tu as raison, reprit Mme Minhet, cela devrait être ; malheureusement c’est le contraire qui arrive, et ceux qui écrivent meurent souvent de misère ; ils gagnent moins peut-être que le père Malaquin, et comme ils n’ont même pas, comme lui, d’instrument pour gagner leur vie sur les routes, ils restent à la même place et ne viennent pas embrasser leur mère ! »

Pauvre chère tante Minette ! comme elle disait cela tristement !

« Il faut lui envoyer de l’argent, dit Liette, toute remuée.

— Je ne le puis, hélas ! mignonne, reprit en soupirant Mme Minhet, je ne suis pas assez riche. Se tournant alors vers le portrait de son fils et avec des larmes dans la voix, elle ajouta :

— Pauvre enfant, loi qui chevauches si opiniâtrement la chimère des idées !…

— Non, ne pleure plus, tante, dit Liette de sa voix câline, pour consoler la pauvre femme. Non, ne pleure plus, laisse-le sur son cheval.

— Son dada, ajouta tante Minette, en souriant à travers ses larmes…

— Oui, et grand-papa ou grand-père te donneront de l’argent pour lui. Vois-tu, il faut leur en demander. Je sais que grand-père en a. »

Mais tante Minette, qui on avait peut-être plus dit à Liette en cette minute qu’à toute autre personne, répliqua vivement :

« Ne parle jamais à personne de Philippe, ma chérie, n’en dis jamais un mot, ni ici, ni ailleurs. »

Liette l’embrassa et lui promit d’être muette, heureuse d’avoir un petit secret entre elle et sa tante.

Le secret devait être bien gardé. Mme Minhet n’en doutait pas, parce qu’elle connaissait la discrétion intelligente de sa petite nièce.

Elle n’avait pas étudié longtemps l’enfant pour comprendre et saisir cette nature, franche, loyale, très impressionnable. Elle s’était intéressée à cette fillette, très éveillée et déjà petite femme