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LA TOUR DE LA LANTERNE.

à Paris où elle avait dû le laisser pour terminer ses études ; puis plus tard pour suivre une vocation très prononcée pour le journalisme aux idée avancées qu’on appelait avec dédain la « presse libérale ». Était-cé lui le sujet des soucis et des larmes que versait par moments la pauvre femme dans le silence de ses nuits blanches ?

Cela devait être possible. Liette, comme les très jeunes de la famille, ne connaissait pas ce grand cousin, et sans sa curiosité enfantine, elle eût pu ignorer longtemps encore l’existence de Philippe Minhet, si tendrement chéri de sa pauvre mère.

Un joli portrait d’enfant dans un cadre doré, accroché au-dessus de celui de l’oncle Minhet, attira un certain jour les regards de Liette..

« Quel est ce petit garçon ? demanda-t-elle.

— C’est mon fils, lui répondit sa tante.

— Si tu as un enfant, pourquoi ne vient-il pas te voir ?

— Parce qu’il travaille à Paris, et que Paris est bien loin des Gerbies.

— Oui, si l’on fait la route à pied, dit l’enfant, mais il peut prendre la diligence.

— Assurément on peut la prendre ; seulement ce voyage coûte beaucoup d’argent, et mon fils n’en gagne pas assez.

— Que fait-il donc ton fils, tante Minette ?

— Réveur du plus noble rêve, répondit tante Minette tristement, il écrit.

— Il écrit des livres ?

— Oui, et aussi dans des journaux.

— Ce doit être agréable ce métier-là, et pas aussi fatigant que de bêcher les pommes de terre, ajouta Liette, qui regardait par la fenêtre le domestique Sylvain, occupé précisément à cette besogne.

— C’est ce qui te trompe ; répliqua Mme Minhet. Quand on bêche les pommes de terre, on ne fait travailler que ses mains, tandis que lorsqu’on écrit, on fait travailler ses mains et son cerveau, car il faut penser aux choses que l’on met sur le papier ; cela fait donc deux ouvrages.