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TANTE MINETTE.

Pour se donner le droit d’examiner les comptes de la propriété, il avait offert spontanément à son père, dans un moment de gêne, de lui ouvrir sa bourse. Ce prêt, qui s’était renouvelé, formait une somme rondelette et lui permettait maintenant de se mêler de la gestion du domaine, gestion qui ne le regardait encore qu’à moitié.

Il reprochait à sa sœur de ne pas assez serrer les cordons de la bourse et, se méfiant que l’argent ne disparaissait que pour soutenir les chimériques idées du fils de cette pauvre femme, il lui faisait des scènes pénibles.

Un jour Liette, témoin d’une discussion épouvantable entre l’oncle Baude-Isart et tante Minette, en fut tellement terrifiée qu’elle se mit à sangloter, comme si toutes ces menaces rageuses s’adressaient à elle.

Ah ! quelle scène !… Tante Minette en fut malade deux jours. Tonton Rigobert, cause indirecte de cette malheureuse discussion, disparut pendant ces quarante-huit heures, et Baude-Isart, en colère du matin au soir, attela un beau jour son cheval à son cabriolet et partit sans dire quand il reviendrait.

Quand il eut tourné la charmille, Rouillard se mit à chanter de sa plus belle voix :


Ah ! le voilà parti, le voilà parti,
          Le marchand de moutarde !
Ah ! le voilà parti, le voilà parti,
          Pour son pays !


C’était le chant du départ que l’écho, peu sympathique pour Baude-Isart, répétait dans tous les coins des Gerbies.