Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/127

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Et une fois de plus, Le Lamber s’était félicité d’être resté tranquille.

— Je croyais que vous ne vouliez pas me reconnaître, tout à l’heure, en passant devant chez Tombola, reprit Mme Caïn. Pourquoi n’êtes-vous pas venu l’autre jour ? demanda-t-elle de nouveau.

Elle disait ces mots, souriante, un peu rouge, car son teint était naturellement vif, et elle regardait Le Lamber dans les yeux, avec insistance. Mme Caïn parlait un français très pur, sans accent ; elle était désirable encore, certes ! Mais elle était trop chargée de dentelles et de soieries, malgré qu’elle s’appuyât, sans souci de maculer sa robe, contre une bouée couverte de rouille dont les Ponts et Chaussées encombraient l’étroite jetée de Porz Pol.

Et Le Lamber, dont l’esprit s’égarait volontiers en des déductions précises, réfléchit que cette indifférence, chez une femme d’une propreté aussi méticuleuse, trahissait une idée fixe, une fièvre momentanée qui bouleversait ses habitudes.

À quelques pas, des coloniaux en bourgeron blanc déchargeaient, sous la surveillance d’un caporal, la provision mensuelle de charbon qu’avait apportée un sloop.