Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/128

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— J’ai supposé que vous nous dédaigniez, fit encore l’îlienne.

Mme Caïn comptait, avec Cocotte, parmi les deux ou trois douzaines de femmes dont l’inconduite était notoire. Mais elle agissait par plaisir et ses écarts étaient sans vénalité. On lui attribuait même une passion particulière pour l’homme, une science du baiser dont l’adresse assez raffinée était au-dessus des communs penchants des îliennes.

Et Le Lamber, qui en savait plus long sur la dame qu’elle ne l’imaginait, sans doute, lui répondit, par curiosité pure :

— J’irai demain chez vous.


Il pensait que c’était par curiosité pure.

Mais au fond, il éprouvait un étrange et passager attrait pour Aline, la cadette de Mme Caïn, une fille de seize ans, menue et de grâce indolente, dont les yeux jetaient seuls quelque vivacité sur une figure sans couleur et sans vie. Pour Aline, à laquelle il n’avait jamais parlé, et qui ne lui avait jamais accordé un regard, Aline, petit être méditatif et dédaigneux, tout de noir vêtu, qu’il avait vu la veille encore, se glisser comme une ombre dans l’ombre de l’église.