Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/153

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Cette nuit du naufrage, un hasard lui avait fait quitter sa maison bien avant l’apparition du jour.

Rose s’était réveillée vers quatre heures du matin et, habillée en hâte, elle était sortie pour se rendre au travail, croyant qu’il était beaucoup plus tard, six ou sept heures. Une fois dehors, par la nuit noire, elle ne voulut plus rentrer. Elle se dirigea du côté du Runiou pour examiner, dès qu’elle y verrait clair, la grève de Postoun où elle comptait ramasser du goémon. Il faisait beaucoup de brume, pas de vent, et la sirène cornait sans interruption. Elle marcha longtemps le long de la grève et puis elle s’arrêta, dans l’attente d’une éclaircie.

C’est à ce moment qu’elle perçut des cris, très faibles et qui venaient de la mer. Rose sursauta. Des appels ?.. Des plaintes ?.. Non. Bien plutôt quelque chose d’irréel et d’imprécis, dont on ne pouvait situer le point d’origine... Des voix, des sons déformés par la distance, tamisés par l’opacité de l’air, et qui glissaient sur la nappe immobile des eaux. — Y avait-il seulement rien d’humain dans ces voix ? L’obscurité et le brouillard empêchaient de distinguer quoi que ce fût.

Vivement, à coups de talon, Rose frappa le