Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/292

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Grâces s’était mis au plein, un soir de gros temps, sur les roches de Porz Allemgen. Tous les hommes du bord, sauvetés par les insulaires, avaient regagné le continent. Lui seul, blessé au genou, était demeuré à Ouessant. Il avait conservé de ce séjour un souvenir joyeux et sentimental qu’il attribuait, sans détour, à la beauté facile des natives. Mais Kéméan, semblable à tous les Ouessantins, n’aimait pas les récits de ce genre qui les intéressent de trop près.

Après son rétablissement, avait continué d’expliquer le naufragé, il avait pris le cotre la Lourdes, qui devait le ramener à Brest. Mais les vents étaient tombés brusquement et le voyage dura quarante-huit heures. Il y avait, comme passagère, une Ouessantine qui se rendait pour la première fois « en France ». Elle était belle et curieuse de la vie. Une ardeur singulière se lisait dans ses yeux. Et la deuxième nuit, quand tout, sauf l’homme qui était à la barre, sommeillait sur le bateau, ils s’étaient enlacés, lui et elle, sous le ciel étoilé. Émouvante étreinte... Aujourd’hui encore, ses lèvres conservaient la saveur de cette bouche de femme.

Il avait pensé la revoir à Brest, mais, sitôt débarquée, elle s’était éclipsée pendant qu’il