Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/293

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disait adieu à l’équipage et il ne la retrouva jamais plus.

— Comment s’appelait-elle ? demanda tout de même Kéméan.

— Salomé.

Kéméan se gratta la tête et réfléchit.


À Brest, elle avait tiré une vraie bordée de matelot, comme beaucoup d’Ouessantines qui s’échappent et vont là-bas se griser à toutes les lumières de la vie.

Elle avait « chaviré sa coiffe ». Elle allait par les rues, splendide de dédain, nullement étonnée du faux luxe des femmes et du clinquant des boutiques, faisant retourner sur son passage les hommes bouleversés par la sauvagerie de sa beauté. Elle avait retrouvé Angélique, depuis fixée sur le continent, Angélique qui avait des relations dans tout Brest et qui «s’arrêtait pour causer avec des hommes qu’elle ne connaissait pas ». Mais ni Salomé ni Angélique n’avaient, comme beaucoup d’Ouessantines, couru vers cette maison bien connue des insulaires où elles se déshabillent en arrivant, ou elles captivent sous des chapeaux leurs cheveux indociles et revêtent des robes d’emprunt qui leur assurent l’incognito.