Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/294

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Elles étaient trop fières de leur costume. Ensemble, elles traversèrent les bouges de la rue Saint-Yves et de la rue de Suffren, les caboulots de la rue Kéravel et de Recouvrance. On les vit à la Brasserie, attablées avec des maritimes, éclipsant les demoiselles fardées de l’endroit ; on les vit dans tous les lieux de plaisir, et descendre la rue de Siam, en tapage, en « filles de la pluie », au grand scandale des très dignes habitantes de la ville qui n’étaient pas loin de se signer.

Salomé apportait à cela une âpre joie et une volonté de s’avilir chaque jour davantage, comme pour se venger en quelques instants de sa longue vertu et des rancœurs de sa vie d’épouse.


Enfin, quand elle eut regagné son île, Salomé Thorinn — elle ne souffrait plus d’être appelée du nom exécré de Kéméan — Salomé connut de nombreuses aventures. Tour à tour, elle s’afficha avec divers officiers coloniaux. Elle devint une habituée des maisons où l’on sacre et où l’on se grise. Elle reçut chez elle des soldats et pis encore. On la signalait aux voyageurs en quête de distractions, et, quand un bateau mouillait à Ouessant, elle était la plus