Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/300

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Les ombres du soir s’étaient abattues sur l’île, quand Mme Locronan la fit appeler à l’hôtel des Mers qu’elle venait d’ouvrir depuis quelques mois.

Salomé voulut bien s’y rendre. Elle eut tort. Trois touristes étaient arrivés le jour même avec deux femmes. Salomé comprit bien qu’on l’offrait à leur curiosité. Les étrangers, les femmes surtout, la regardaient avec un étonnement qui accrut encore sa mauvaise humeur.

On se mit à table. Un colonial, engagé comme extra, servait en uniforme. Le champagne fusa bientôt. Pour montrer qu’elle se riait des grâces affectées des mouliguens, Salomé secoua son aversion, s’anima, et les hommes, dès cet instant, n’eurent plus d’yeux que pour cette créature étonnante et superbe dont on avait cru pouvoir s’amuser, tout à l’heure.

Vers minuit, les têtes étaient fortement alourdies. Salomé proposa une promenade en mer. Et son ascendant était si grand sur les hommes, qu’ils l’auraient tous suivie jusqu’au bout du monde ; et les femmes, piquées au jeu, n’osèrent soulever d’objections et approuvèrent, un peu tremblantes, quand même, à l’idée « d’aller sur l’eau », par la nuit. On prit un des canots du port. L’embarcation s’éloigna du rivage.