Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/58

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sortaient de l’ombre ; on eût dit un grouillement de monstrueux reptiles.

— Barba, rêvait Herment, sais-tu ce que c’est que l’Océan ?

— C’est le nom d’un bateau, fit-elle avec assurance.


Parfois, on entendait aussi le sifflement de vapeurs qui s’étaient rapprochés de la lueur tutélaire, à petite vitesse, cherchant leur voie. À moins d’un mille, l’un d’eux apparut soudain. Il semblait une maison embrasée. Ouessant était, sans doute, la première terre qu’il rencontrait depuis des semaines.

Ainsi, nuit et jour, des centaines d’existences passaient au large de cette côte tourmentée. Ouessant se trouve sur une des routes marines les plus courues du monde entier ; de ses sémaphores, les guetteurs comptent, bon an mal an, plus de trente mille navires. Couverts de guenilles, ses habitants suivent des yeux tant de richesses confiées aux eaux, tant de splendeur qui leur échappent.

— Vois, dit Barba, les bateaux se succèdent sans interruption, presque sans danger aussi. Le phare éclaire beaucoup plus qu’autrefois, on en construit un autre, et voici qu’on songe à