son désespoir se calme et quelques mois après, elle passe en Amérique, chaudement recommandée par Frédéric Monod à Mlle Haynes qui dirigeait à Grammercy Park le pensionnat le plus aristocratique de l’Amérique. C’était la sœur d’un ancien gouverneur du New-Jersey. Là, Henriette Deluzy fit la connaissance de Harry Field, pasteur presbytérien, qui demanda sa main. Elle était plus âgée que lui, mais elle n’hésita pas à lui confier son avenir.
Harry Field appartenait à une famille distinguée. Un de ses frères fut le créateur du premier câble transatlantique ; l’autre était le meilleur avocat de New-York[1]. Elle ne voulut pas entrer dans cette famille sans lui apporter une autre preuve de son innocence que son attestation et ses larmes. Alors elle s’adressa à Victor Cousin dont elle n’avait pas oublié la sympathie dans ses angoisses. « Je n’ai, lui écrivit-elle, le 18 mars 1850, aucune preuve à leur donner. Les papiers, saisis cher moi, ne m’ont jamais été restitués[2]. J’ai parlé de votre bienveillance à mon égard, du témoignage généreux que je sais que vous m’avez-rendu plusieurs fois. Monsieur, pouvez-vous en conscience, devant Dieu, me rendre ce témoignage que je n’étais pas l’infâme intrigante que l’on a livrée au mépris du monde ? Vous étiez là ; vous m’avez interrogée. Vous connaissez ce misérable intérieur ; vous avez pu mesurer d’un œil impartial la part que j’ai eue dans ce sombre drame, où j’ai joué en aveugle ma destinée et celle des êtres qui m’étaient plus chers que la vie. Vous savez que ni l’ambition ni l’amour du pouvoir ne m’ont donné l’influence que j’avais sur mes malheureux élèves. Vous avez vu ses lettres à lui et vous savez qu’il ne m’aimait pas. Mais, rappelez-vous, monsieur, que je n’implore pas votre pitié ; mais qu’au nom d’un homme d’honneur, j’en appelle à votre honneur. En me