Page:Say - Œuvres diverses.djvu/165

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je m’arrête un moment sur la manière dont on a tiré parti des faits dans la nouvelle méthode. J’affermirai ainsi le chemin sur lequel nous devons marcher.

Les faits, les événements, ceux qui ont rapport aux richesses comme les autres, n’arrivent jamais par hasard. Ils sont toujours les résultats des causes qui les ont précédés. Lorsque vous voyez une plante sortir de la terre, vous ne pensez pas qu’elle soit venue là sans cause : une graine de semence sera tombée en terre ; elle y aura germé. Telle est la cause du phénomène que vous observez, et cette cause était elle-même le résultat d’un autre fait antérieur. Rien n’arrive enfin sans les conditions qui étaient nécessaires pour que la chose arrivât ; et le fait qui résulte de ces antécédents, engendre à son tour ceux qui doivent lui succéder.

C’est déjà un mérite que de bien observer un phénomène, de le voir tel qu’il est ; mais cela ne constitue pas la science. Un jardinier, un simple paysan, a vu autant de phénomènes de physique végétale, que le plus savant botaniste. Le moindre berger a vu autant de levers et de couchers de planètes, que le plus habile astronome ; il faut encore être en état de remonter la chaîne qui lie un fait à sa cause, et montrer par quel endroit chaque anneau de cette chaîne se lie à un autre. Alors seulement on peut dire qu’on est savant, que l’on sait d’où l’on vient et où l’on va, et que l’on est en état de tirer d’utiles conséquences de ce que l’on observe[1].

Lorsqu’on voyait que l’eau refusait de monter dans un corps de pompe au-dessus de 32 pieds, et qu’on disait que c’était parce qu’elle avait horreur du vide, pouvait-on montrer la chaîne qui liait ce phénomène à sa prétendue cause ? Nullement. Et comme l’insatiable curiosité de l’homme veut toujours remonter aux causes, n’étant pas assez instruit pour découvrir la véritable, on en imaginait une ; on donnait une explication où il n’y avait pas même une ombre de raison ; car elle exigeait que l’on prêtât un sentiment, une répugnance, une crainte, à une chose inanimée, telle que l’eau ! Mais après les belles expériences de Toricelli et de Pascal, on put dire avec certitude

  1. L’auteur est revenu, avec plus de développements encore, dans son Cours d’économie politique, sur cette idée très-vraie que la science consiste surtout dans le pouvoir de démêler avec exactitude les rapports qui enchaînent les uns aux autres tous les phénomènes qui se passent sous nos yeux. — (Voir Considér. génér., p. 7 à 14.) (E. D.)