Page:Say - Œuvres diverses.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lits, était aussi versé dans l’Économie politique qu’on pouvait l’être de son temps.

Dans la conduite même de la santé, à mesure que l’art de guérir fait des progrès, on contracte l’heureuse habitude d’économiser les moyens. Les médicaments les plus puissants ont toujours en eux une qualité délétère qui, lorsqu’on en prend sans mesure, cause un mal plus préjudiciable encore pour le corps que pour la bourse. L’usage qu’on en fait au delà de ce qu’exige le rétablissement de la santé, est l’effet d’un mauvais calcul.

Il n’est presqu’aucune situation dans la vie, où l’on ne puisse appliquer avec fruit l’esprit d’économie, c’est-à-dire ce jugement sain et éclairé qui rend capable d’apprécier à leur juste valeur les avantages et les inconvénients de chaque chose.

Ce sera un des fruits de l’étude qui nous occupe ; et si ce fruit se fait attendre, il faut considérer que les fausses notions, et en général tous les préjugés, ont pour protecteurs naturels tous ceux qui en vivent et même tous ceux qui ont l’espérance d’en vivre.

Pourquoi voulez-vous, diront certaines gens, empêcher ceux qui vivent des préjugés, de les défendre et d’en faire leur profit ? Ne faut-il pas que tout le monde vive ?

Je ne leur ferai pas la même réponse que fit le lieutenant de police d’Argermon, au libelliste Desfontaines : Je n’en vois pas la nécessité. Mais je vous dirai, comme tout à l’heure, que l’homme ne peut disposer que d’une certaine quantité de biens que l’on ne peut obtenir qu’au prix d’une certaine quantité de maux ; et qu’il y aurait une insigne folie s’il n’y avait une extrême ignorance (ou bien une profonde perversité) à imposer un excès de maux aux hommes utiles et auteurs des biens de la société, pour que les hommes inutiles ou malfaisants en recueillent les fruits.


Quelques écrivains ont fait à l’Économie politique le reproche de ne savoir nous occuper que de nos intérêts temporels[1]. Mais chaque science a son objet dont elle ne peut s’écarter sans nuire à son avance-.

  1. Entre autres, Lanjuinais, Constitution de tous les peuples, tome Ier, p. 127. Voyez le Considérations générales, p. 49 et suiv., placées en tête du Cours complet. J.-B. Say y répond, comme dans le passage qui suit, mais avec plus de développement, aux détracteurs de la science. E. D.