Page:Say - Œuvres diverses.djvu/217

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tuer une véritable science, mais où, peut-être, elles sont trop confusément entassées, trop peu digérées, et trop mal rattachées entre elles, pour former un tout homogène et produire une conviction parfaite.

On peut toutefois dater l’origine de l’économie politique moderne de la publication de ce livre, et je vous avoue que, passant à Glasgow, je ne pus résister au désir d’aller voir l’espèce de galetas qui était l’amphithéâtre où il professa sa doctrine. J’eus la faiblesse de m’asseoir dans son fauteuil de maroquin noir, comme pour recevoir une inspiration dont je m’estimerai heureux de pouvoir, Messieurs, vous communiquer quelques étincelles[1].

J’ai l’intention de vous donner plus tard une histoire des progrès de cette science ; mais il faut avoir une connaissance entière de ses doctrines, pour comprendre les progrès qui les ont amenées par degrés au point où elles se trouvent maintenant.

C’est à la méthode expérimentale, au talent de l’observation, qu’on les doit, et au scrupule de n’en tirer que les inductions que le simple bon sens puisse avouer. C’est une belle tâche que d’appliquer cette méthode aux sciences morales et politiques, et de les ramener à ces procédés, devenus si féconds en brillants résultats dans les sciences physiques et mathématiques.

On est trop porté à croire que la voie expérimentale et analytique n’est applicable qu’aux faits physiques, et que les faits moraux, en raison de leur extrême complication, et en raison de la diversité des goûts et des esprits, se dérobent à ce genre d’investigation ; sans doute il est beaucoup de faits qu’on ne saurait avoir prévus, et d’autres dont les conséquences (jusqu’au moment où elles arrivent) demeurent enveloppées d’un voile impénétrable : mais de ce que plusieurs connaissances excèdent notre portée, devons-nous renoncer à celles auxquelles nous pouvons atteindre ? L’homme est réduit à beaucoup ignorer, et l’un de ses progrès est de savoir s’y résoudre jusqu’au moment où la certitude peut être acquise pour lui. Il est vraisemblable que nous ne saurons jamais si les planètes de notre système solaire sont habitées ; mais ce n’est pas une connaissance douteuse, ni superflue, que celle qui nous enseigne la marche de ces corps célestes, et qui la cal-

  1. Le Discours préliminaire du Traité et l’histoire abrégée de la science, à la fin du Cours complet d’Économie politique, renferment des appréciations, analogues aux précédentes, sur les travaux de l’école de Quesnay et sur ceux d’Ad. Smith. (E. D.)