Page:Say - Œuvres diverses.djvu/218

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cule avec une telle précision, qu’elle guide nos navires au travers de l’immensité des mers.

Occupons-nous sans cesse du progrès de nos connaissances, sachons rendre utiles nos découvertes quand elles sont constatées, et… laissons faire le temps. Si quelques personnes se laissaient décourager par l’inutilité apparente des efforts qui ont été faits jusqu’ici pour améliorer le sort de l’humanité, je les prie de considérer que ce n’est que depuis peu que l’on est entré dans la voie de la véritable instruction, la voie de l’expérience éclairée par l’observation et l’analyse. Il y a des milliers de siècles que cette voie est ouverte à tout le monde, et l’on ne la pratique véritablement que depuis deux ou trois cents ans. Les premiers progrès ont dû se manifester dans ce qui a rapport aux sciences physiques, parce que c’est là que les vérités sont palpables ; aux sciences mathématiques, parce qu’elles sont susceptibles de démonstrations rigoureuses. Dans les sciences morales et politiques, les vérités paraissent soumises à l’arbitraire des volontés humaines, mais, même dans cet ordre de vérités, il y en a beaucoup qui sont susceptibles d’une démonstration complète : vous en aurez la preuve dans l’économie politique, et c’en est assez pour changer complètement le sort des nations. Elle nous montre clairement comment s’acquiert la satisfaction de nos besoins, et comment on peut éviter ces malheurs presque continuels qui ont assailli les populations. En voyant le peu de progrès que nous avons faits, nous apprendrons mieux combien il nous reste à faire !

Quel triste spectacle nous offre l’histoire[1] ! fies nations sans industrie, manquant de tout, poussées à la guerre par le besoin, et s’égorgeant pour vivre ! d’autres nations, un peu plus avancées, devenant la proie de celles qui ne savent que se battre, le monde constamment livré à la force, et la force devenant victime d’elle-même ; l’intelligence et le bon sens mal protégés, et ne sachant pas se prévaloir de l’ascendant qui devrait leur appartenir ; les principaux personnages d’un État, les philosophes les plus respectés, n’ayant pas des idées de bien public plus arrêtées que le vulgaire ; Lycurgue tolérant le vol et commandant l’oisiveté ; Caton ne rougissant pas de prêter à usure et de se faire marchand d’esclaves ; et Trajan donnant des fêtes où il faisait

  1. L’auteur s’est emprunté à lui-même ce sombre et éloquent tableau de l’esprit social chez les anciens et au moyen âge. (Voyez les Considérations générales en tête du Cours, p. 19 et suiv.) (E. D.)