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affaibli par l’âge, que Jean-Baptiste Say devait être appelé à professer au Collège de France l’Économie politique proprement dite.

Partout où il a parlé, ses leçons ont été suivies avec un vif intérêt, et son enseignement a toujours été présenté avec lucidité, avec grâce, surtout avec une chaleur de conviction qui inspirait la confiance. Peut-être pouvait-on reprocher au professeur d’exiger de son auditoire une attention trop soutenue en lui présentant des leçons riches de trop de matières ; cela tenait, d’une part, au désir qu’il éprouvait de faire entrer l’ensemble de la science dans le cadre du cours, et d’un autre côté, à ce que ses leçons étaient écrites. Ceux qui le connaissaient, qui avaient entendu sa conversation toujours nourrie défaits et variée d’expressions, ont vivement regretté que, dans la chaire du professorat, il ne se soit jamais livré aux chances de l’improvisation. On ne peut trouver l’explication de cette retenue de sa part que dans un excès de sévérité envers lui-même, dans la crainte d’abuser par des redites du temps qu’on lui accordait, et par un désir d’exposer toujours de la manière la plus claire et la plus rapide des vérités solidement établies. « Je n’ai presque jamais, écrivait-il un jour, été content de ma conversation. Ma seconde pensée est en général meilleure que la première, et malheureusement c’est toujours celle-ci qui se produit dans la conversation. Je serais tenté de dire comme Mme  Riccoboni, à qui on reprochait de parler moins bien qu’elle n’écrivait, et qui répondit : C’est que je parle comme j’efface. » Quant à lui, en effet, il effaçait en écrivant, et si le hasard lui valait souvent une heureuse expression, on peut dire qu’il méritait les bienfaits du hasard. « J’ai quelquefois éprouvé, disait-il, une difficulté extrême à écrire certains morceaux, mais une considération m’a soutenu. Si cela était facile, pensais-je en moi-même, tout autre le ferait ; des lors où serait l’honneur et le mérite de bien faire ? »

Les leçons écrites et professées étaient généralement extraites d’un travail préparé de longue main pour l’impression, et publié ensuite en 1828 et 1829, en six volumes, sous le titre de Cours complet d’Économie politique pratique. Même après la publication de la cinquième édition du Traité, ce nouvel ouvrage devait obtenir un grand et légitime succès. Si, comme l’a dit M. Blanqui, il n’en a pas la belle ordonnance, la précision et la méthode, il a l’avantage de rattacher certainement les principes aux applications, et d’initier le lecteur aux avantages de la complète expérience qu’une longue pratique des affaires publiques et privées avait donnée à l’auteur.

Les publications importantes n’empêchaient pas pour lui d’autres travaux ; la Revue encyclopédique insérait ses comptes rendus d’ouvrages ; et l’Encyclopédie progressive donnait de lui, dans son premier numéro, l’article : Économie politique. Il enrichissait aussi de notes et de commentaires les éditions françaises de Ricardo et de Henry Storch. Ce dernier auteur, blessé de quelques réflexions critiques, eut le tort de se fâcher et