Page:Say - Œuvres diverses.djvu/263

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partient pas à un état très-avancé de communications commerciales et d’approvisionnements. La navigation intérieure, dans la plupart des cas, doit remplacer le roulage, comme le roulage a remplacé le transport à dos de mulet. Une bête de somme porte sur son dos deux à trois quintaux : une fois qu’elle est attelée à une charrette, elle en traîne quinze à dix-huit ; par le moyen des bateaux, elle en mène plus de soixante.

En deux mots, tous les moyens de communication sont bons, en ce qu’ils multiplient les valeurs qui sont des richesses ; et parmi les moyens de communication, les meilleurs sont les canaux.

Si, ce que je ne crois pas possible, quelque homme, retranché derrière les vieilles habitudes, et attaqué d’une espèce d’hydrophobie contre tout ce qui ressemble à des progrès, nous disait d’un air capable : Puisqu’on s’est passé de canaux pendant quatorze cents ans, on peut bien s’en passer encore ; il faudrait renvoyer ce brave homme aux douceurs du règne de Chilpéric ; ou bien si quelque bourgeois, regardant avec raison Chilpéric comme une plaisanterie, voulait seulement s’en tenir à ce qu’ont fait ses prédécesseurs, échevins de cette cité, on pourrait lui montrer le plus hupé d’entre eux, il y a trois ou quatre siècles, endossant le matin son habit de bure pour vaquer à ses affaires. Il passait par un casse-cou qu’il appelait un escalier, pour sortir de sa bicoque qu’il appelait une maison ; et, après avoir franchi une mare croupissante, formée par les eaux de son ménage, il enjambait les ornières profondes dont étaient sillonnées des rues sans pavés ; et le soir il devait s’estimer heureux s’il rentrait, à tâtons, sans avoir été dépouillé par des voleurs. Nous qui parlons, je me flatte que nous ne serons pas si ridicules aux yeux de nos descendants, mais ne nous figurons pas pourtant qu’ils ne nous trouveront pas un peu retardés sous certains rapports.

Passons donc sur des objections trop indignes de nous arrêter, et voyons en quoi l’état de la France réclame plus vivement des communications navigables qu’à aucune époque antérieure.

Au milieu de nos troubles et des convulsions de l’Europe, l’industrie française a pris un très-grand développement. C’est un fait qui n’est plus contesté. On peut en assigner les causes ; elles sont nombreuses, mais étrangères au but que je me propose en ce moment. Je ferai seulement remarquer qu’une interruption presque totale de communications maritimes, et des armées nombreuses sur le continent, ont